dimanche 20 juin 2010

EXPOSITION: LES ARTS DU GANDHARA

PAKISTAN, TERRE DE RENCONTRE, I er – VI e siècle
LES ARTS DU GANDHARA

Exposition au Musée Guimet (du 21 avril au 16 août 2010)

Un art gréco-Bouddhique

Apothéose bouddhique (Musée Guimet)

Alors que l’art contemporain se fait le témoin de la rencontre du Bouddhisme et de l’Occident (1), une exposition nous rappelle que durant l’Antiquité l’Art occidental et le Dharma se sont déjà rencontrés. En effet, au musée Guimet est organisée en ce moment une exposition qui présente un art bouddhiste (par ses thèmes, son iconographie et sa visée libératrice) s’exprimant dans un vocabulaire plastique empruntant beaucoup à l’art grec (2). C’est dans le Gandhara que s’est produit cet étonnant métissage culturel et spirituel. Il s’agit d’une ancienne région située au nord du Pakistan et au sud de l’Afghanistan. Sa longue histoire et sa position géographique en ont fait un carrefour où de grandes civilisations se sont mutuellement fécondées. Cette région fut conquise par Darius le Grand au VI e siècle av. J.C. et intégrée dans l’empire Perse. Au IV e siècle av. J.C. c’est Alexandre le Grand qui s’en empara, cette dernière conquête marquant la fin de son expansion vers l’Est. Ce pays découvrit le Bouddhisme au III e siècle av. J.C. lorsque des missionnaires y furent envoyés par l’empereur indien Asoka. Au I er siècle ap. JC., le Gandhara est le centre de l’empire Kushana, dont la culture peut être qualifiée de gréco-irano-bouddhiste. L’exposition nous présente des sculptures issues de cet art, qui sont remarquables par leur portée esthétique, culturelle et spirituelle, mais aussi du fait même de leur présence en Europe : ces oeuvres se trouvent habituellement dans divers musées du Pakistan.

Le sujet principal de l’art du Gandhara est la représentation du Bouddha et de ses vies : de sa vie en tant que Siddharta Gautama, mais aussi des précédentes, les Jatakas étant une source importante de l’iconographie de l’art du Gandhara. Ceci peut sembler attendu d’un art bouddhiste, mais cela n’a pas toujours été le cas. En effet, cet art, en même temps que celui de Mathura, est le premier à rompre avec la tradition aniconique de l’art bouddhiste qui ne représentait le Bouddha que par son absence et/ou de façon symbolique. Dans les quelques lignes qui suivent, je voudrais revenir sur cette question de la représentation du Bouddha : qu’est-ce qui est représenté quand le Bouddha est représenté? Cette réflexion sera une tentative de mieux comprendre les oeuvres exposées et, de façon plus générale, le rôle des images dans la pratique bouddhiste.











La descente des 33 cieux (Musée Guimet)

L’aniconisme

Un exemple d’art bouddhiste aniconique est visible dans l’exposition : un bas-relief représentant « La descente des 33 cieux » (voir illustration plus haut). On y voit des personnages au pied d’un escalier s’incliner avec respect ; mais devant qui ou quoi? Le visiteur attentif découvrira en bas des marches menant au monde divin les empreintes de pieds du Bouddha, empreintes marquées du sceau du Dharmachakra. Ici le Bouddha n’est pas représenté, mais sa présence est signifiée symboliquement. En effet, ne montrer le Bouddha que par l’empreinte de ses pieds symbolise sa domination sur l’ensemble de l’univers; la roue, quant à elle, désigne l’universalité de l’enseignement du Dharma. Pourquoi ne pas représenter le Bouddha ? Pourquoi s’en tenir à des symboles? Parce que le Bouddha ne saurait être réduit à son apparence humaine. Même une apparence divine serait inappropriée, car appartenant toujours au samsara, le cycle infini des renaissances et de la perpétuation de la souffrance. Ce cycle, c’est précisément ce que le Bouddha a transcendé lors de son éveil. Comment une forme pourrait-elle témoigner de ce qui échappe à toutes les formes? Le Bouddha est devenu identique au Réel immuable qui contient tous les phénomènes sans jamais pouvoir être limité ou identifié à aucun d’entre eux. Il est semblable, en cela, à l’espace. Dans le Bouddhisme l’espace est conçu comme akasa, inobstrué (3). Le Bouddha sera donc représenté comme pur espace inobstrué, c’est-à-dire comme une absence dans l’image. Cette absence n’indique pas un manque, un rien, mais une transcendance : le Bouddha se situe au-delà du samsara. Il y a là un rapport d’analogie. L’absence de représentation du Bouddha dans l’image indique un au-delà de l’image : le nirvana où se tient le Bouddha et qui est au-delà du samsara. Notre regard est invité à ne pas se restreindre à ce que l’image offre dans sa visibilité, mais bien à voir au-delà du visible, tout comme le Bouddha par son être même nous indique une voie hors du samsara.


Pourquoi et comment représenter le Bouddha?

Pourtant l’oeuvre que je viens d’évoquer n’est pas représentative de ce que l’on trouvera dans cette exposition. On y trouve en effet, une surabondance de représentations du Bouddha : debout ou assis; pensif ou en train d’enseigner; entouré de ses disciples ou trônant au centre d’un paradis, etc. Ce sont ces sculptures qui témoignent le mieux de l’influence grecque.
Ce déploiement d’un art très figuratif peut sembler sérieusement contredire tout ce qui vient d’être affirmé plus haut. Qu’est-ce qui peut expliquer ce changement important qui s’est produit à la fois au Gandhara et au Mathura? Il semble que ce soit le développement du Bouddhisme Mahayana qui soit à l’origine des premières représentations du Bouddha. En effet, le Gandhara est une terre où le Mahayana s’est développé de façon très importante. Par exemple, Asanga et Vasubandhu, personnages très importants dans le développement du Mahayana, sont nés à Purusapura (la moderne Peshawar) alors que cette ville était la capitale du Gandhara (4).
Avec le Mahayana, la foi prend une grande place dans la pratique bouddhiste. On prie le Bouddha ou les Bouddhas (une des particularités du Mahayana est de concevoir que le Bouddha Sakyamuni n’est pas unique, mais est un maillon dans une procession de nombreux Bouddhas qui traverse les ères cosmiques). Pour cela, il est nécessaire d’avoir des images de ceux que l’on prie. Il faut pouvoir se rapprocher d’eux et ressentir leur présence d’une façon vivante et vibrante. Ces œuvres peintes et sculptées deviennent comme un pont entre la condition errante et souffrante des êtres pris dans le samsara et la dimension absolue de l’éveil. Voir ces images, prier devant elles, s’en servir comme d’un support de visualisation, etc. toutes ces pratiques deviennent de puissants moyens habiles pour atteindre l’éveil. En effet, selon le Bouddhisme, la conscience n’est pas définie dans l’absolu, mais toujours relativement à un objet, la conscience est toujours conscience de quelque chose. Aussi, poser son attention sur une image sacrée qui, en montrant le Bouddha représente l’éveil, est une façon de s’immerger dans l’éveil. La contemplation attentive d’une telle image devient, le temps de sa durée, une suspension hors de l’univers du samsara. Cette expérience, répétée, devenue discipline, permet à l’esprit de se découvrir plus vaste qu’il ne le croyait d’abord, le familiarisant ainsi avec sa propre essence éveillée (5).

Qu’est-ce qui, dans le Dharma, fonde le pouvoir de ces images? L’enseignement sur les trois corps du Bouddha. Les soutras du Mahayana affirment que le Bouddha demeure en essence dans le Dharmakaya (corps de vérité se confondant avec l’absolu et au-delà de toute forme), mais qu’il se manifeste sans cesse pour le bien des êtres par le biais du Rupakaya. Ce dernier terme désigne les corps formels qui sont une expression visible de l’éveil : par ces manifestations l’absolu se rend visible. Ces formes sont accessibles à différents types d’êtres selon leurs capacités spirituelles : le Sambogakaya ou corps de jouissance pour les Bodhisattvas et le Nirmanakaya ou corps d’émanation pour les êtres ordinaires. Dans le Mahayana, si l’éveil transcende totalement le samsara, il se manifeste aussi infiniment dans le samsara. C’est cette vue Mahayaniste d’une infinie manifestation de la bonté et de la sagesse des Bouddhas qui peut expliquer le déploiement de l’art sacré du Bouddhisme en général et du Gandhara dans le cas qui nous occupe.

Dans cette perspective, l’image du Bouddha peut être définie comme une forme humaine (Rupakaya) mais incarnant l’absolu (Dharmakaya) : un être à la fois humain et au-delà de l’humain, une « transcendance humanisée » (6).
Ceci peut expliquer pourquoi les artistes gandhariens et leurs commanditaires ont représenté le Bouddha en s’inspirant du modèle de l’art grec (alors que d’autres modèles étaient disponibles). Cet art a pour sujet principal l’humain rendu avec la souplesse, le mouvement et le souffle de la vie, mais avec des proportions parfaitement harmonieuses et une recherche de beauté idéale qui est plus qu’humaine. C’est ainsi qu’est représenté le Bouddha : une figure humaine, présente et vivante, tout en suggérant l’au-delà de l’humain comme du samsara en général.

C’est ce que l’on peut observer avec une des œuvres les plus remarquables de cette exposition : la stèle de Mohamed Nari décrite dans le catalogue de l’exposition comme une « apothéose bouddhique» (voir illustration plus bas). Au centre de ce qui est souvent décrit comme un paradis ou une terre pure trône le Bouddha avec un visage solaire, apollinien. Les proportions parfaites de son corps sont enveloppées d’un magnifique drapé. De lui émanent d’autres Bouddhas qui se manifestent dans le ciel, des personnages portent des parasols pour lui rendre hommage, certains sont dans des postures d’adoration de réflexion ou de contemplation, etc. Les corps et les expressions des personnages ont été traités par l’auteur anonyme de cette œuvre avec une grâce infinie, évoquant dans ces multiples figures le peuple composite du Gandhara de cette époque, mais aussi bien et sans contradiction, un paradis bouddhiste. Comme si le Bouddha, se rendant visible, transformait le monde autour de lui en univers devenu reflet de l’éveil.

Ainsi, les artistes du Gandhara en s’emparant de l’influence grecque (ainsi que d’autres influences plus locales) en ont fait le vecteur d’une spiritualité expressive qui n’existait pas dans son modèle d’origine, d’un art sacré qui peut nous toucher encore aujourd’hui.


L’Oddhyana

Enfin (puisque nous sommes ici dans un site consacré au Vajrayana et au Dzogchen), en lisant les cartels de l’exposition vous réaliserez que nombres des œuvres exposées ont pour origine la vallée de Swat au Pakistan. Or cette vallée a été identifiée par les chercheurs et les érudits comme étant l’Oddhyana. Une région réputée pour le grand intérêt porté par ses habitants à la magie et à la religion ; une région qui, dans la tradition tibétaine, est vue comme une des sources majeures des enseignements du Vajrayana et du Dzogchen. C’est là que régnèrent les différents rois d’Oddhyana tous connus sous le nom d’Indrabhuti et qui jouèrent un rôle capital dans la transmission de tantras du Mahayoga et de l’Anouyoga. C’est encore là qu’est né Garab Dorjé, le premier maître humain du Dzogchen. C’est enfin dans cette région décidément extraordinaire que Guru Rinpoché (Urgyen Rinpoché : le précieux d’Oddhyana littéralement) apparaît au miraculeusement au milieu du lac Dhanakosha, puis devient prince. Cet endroit est souvent considéré dans la tradition tantrique comme la terre des Dakinis c’est ainsi que Düdjom Rinpoché en parle, dans une vision qui transcende le temps, l’espace et la perception ordinaire : « Même le palais de Djarmaganji qui accueillait les Tantras de la voie du Véhicule des Mantras, ne peut plus être perçu : les gens qui le voient pensent juste que c’est une ville ordinaire. Mais même aujourd’hui il contient des Tantras de la voie des Mantras Secrets qui ne pas apparus en Inde : les Dakinis les ont mis en sécurité dans la sphère invisible, aussi ne sont-ils pas des objets ordinaires de perception. » (7)


Bibliographie :

- Pakistan, Terre de rencontre, I e – V e siècle, Les arts du Gandhara, RMN.
Le catalogue de l’exposition.
- Mario Bussagli, L’art du Gandhara, Le Livre de Poche, Collection La Pochothéque.
Un ouvrage très complet sur le sujet.

Et pour approfondir les notions du Dharma abordées dans ce texte :

- Philippe Cornu, Dictionnaire encyclopédique du Bouddhisme, Seuil.
- Stéphane Arguillière, Le vocabulaire du Bouddhisme, Ellipses.
- Lilian Silburn, Aux sources du Bouddhisme, Fayard.


Notes :

1. Cf. Comme en témoignent ces deux ouvrages : J.Baas, Smile of the Buddha, University of California Press et J.Baas/M.J.Jacob, Buddha Mind in Contemporary Art, University of California Press. Dans un prochain article, j’aurai l’occasion de les présenter de façon plus approfondie.
2. Ou plus précisément hellénistique, c’est-à-dire l’évolution de l’art grec postérieure à la période classique. Par ailleurs, il faut noter que cette notion d’art « gréco-bouddhique » a pour auteur Alfred Foucher. D’autres chercheurs insistent sur la façon dont des références à l’art local ainsi que l’influence romaine plus tardive ont aussi contribué à façonner cet art. Voir : Mario Bussagli, « La composante romaine et les tendances locales » in L’art du Gandhara, Le Livre de Poche, Collection La Pochothéque.
3. « (…)l’absence de matière reçoit le nom d’âkâsa, parce que les choses y brillent fortement» in Louis de La Vallée-Pousin, L’Abhidharmakosa de Vasubandhu, Tome I, p. 8.
4. Stefan Anacker, Seven Works of Vasubandhu, Motilal Banarsidass.
5. La nature de Bouddha existant de façon inhérente au coeur de tous les êtres est un autre
thème majeur du Mahayana.
6. Bussagi, op.cit. , p. 194.
7. Traduit de Düdjom Rinpoche, The Nyingma School ofTibetan Buddhism, Wisdom, p. 503.

Sudhana



mercredi 12 mai 2010

La méditation: quelques écueils et quelques moyens de les dépasser


Nyoshul Khen Rinpoche @Terton Sogyal Trust

Le début de l’aventure

Alors que j’écris ces quelques mots pour parler de la pratique de la méditation, je me souviens de mes efforts lorsque j’ai commencé à méditer. En particulier, je me revois avec précision, assis sur un coussin rouge dans un magnifique temple tibétain en Dordogne. Une atmosphère extraordinaire se dégageait de ce lieu : les peintures des Bouddhas et des déités (dont une grande représentation de Mahakala roulant des yeux terribles!), les photographies des maîtres, les histoires miraculeuses à propos de ces êtres d’exception, la présence dans ces lieux d’un de ces grands lamas, les décorations chargées de symboles, la pénombre mystérieuse de cet endroit, l’odeur prégnante de l’encens, etc. Tout dans l’environnement exprimait le caractère unique et sacré de la tradition du Bouddhisme tibétain. Tout, jusqu’aux circonstances qui m’avaient conduit ici, me semblait participer d’un récit mystique, d’une percée inouïe hors de ce que le sens commun accepte comme étant la « réalité ».

Pourtant, assis ainsi en méditation, m’efforçant de pratiquer les instructions que j’avais lues et reçues, je pensais que si j’avais été assis dans le métro parisien sans spécialement chercher à méditer, complètement pris dans le quotidien le plus ordinaire, mon esprit aurait été exactement le même. J’étais distrait, courant mentalement à droite et à gauche, embarqué dans des fictions totalement déconnectées de la réalité (et le caractère inspirant du lieu où je me trouvais semblait aussi provoquer, au bout d’un moment, des pensées de plus en plus délirantes). Bref, tout se passait exactement à l’opposé de ce que je désirais très fortement. J’aurais voulu me sentir mieux, sentir une certaine détente, sinon ressentir quelque chose de « spécial» qui annonce la naissance d’une nouvelle personnalité, se dégageant, comme d’une peau morte, de la confusion et de la souffrance de mon ancien moi. Frustré de cette absence de sensations nouvelles et prometteuses, je tâchais d’appliquer les instructions avec encore plus d’énergie, me concentrant intensément sur le souffle. J’espérais qu’ainsi cette pénible distraction serait vigoureusement congédiée. Suite à cette résolution, il me fallut assez vite mettre fin à ma séance de méditation : j’étais tellement concentré sur le souffle que j’avais du mal à respirer.

Tout cela résonne peut-être de façon familière pour ceux qui ont entrepris de méditer, en particulier lors de leurs premières tentatives.

Déception et attente

On pourrait qualifier ce genre d’expériences de frustrantes, décevantes, mais comme Chögyam Trungpa l’a dit : « La déception est le meilleur véhicule que l’on puisse utiliser sur le sentier du Dharma. Elle infirme l’existence de notre ego et de ses rêves.». En effet, la déception nous oblige à aller au-delà de l’ego, cette saisie d’un soi fictif que nous prenons à tort pour nous-mêmes, dans l’ignorance de notre nature véritable. La déception a souvent pour origine les attentes et les préjugés, formulés ou non, que nous avons dans différents domaines, ici le chemin spirituel et la méditation.

Pour ma part, cette déception m’a conduit à interroger la façon dont j’envisageais ma pratique, et m’a fait comprendre l’importance de l’étude. En effet, la compréhension de certains points-clefs de la tradition du Dzogchen, telle que Sogyal Rinpoché et d’autres maîtres l’enseignent, a libéré ma méditation des pièges dans lesquels elle aurait pu s’enfermer. L’expérience de la méditation est au-delà des mots et disqualifie leur prétention à vouloir saisir le Réel, mais il n’en est pas moins vrai que les mots précieux (d’une tradition vieille de 2500 ans) nous guident vers cette expérience. Ces enseignements offrent les instructions, le « savoir faire » et la vision complète de ce qu’est la méditation. Ils ne sont pas une théorie de plus, mais la réalisation directe des maîtres de la lignée. C’est pourquoi l’étude est un soutien nécessaire à la pratique : elle l’éclaire et l’approfondit.

Dans le texte qui suit, je me propose de partager modestement avec le lecteur certaines découvertes que j’ai faites dans l’étude, qui m’ont considérablement aidé dans ma pratique. Je me propose de partir des attentes et préjugés courants chez ceux qui découvrent la pratique de la méditation et de les mettre en regard avec certains points des enseignements. Il ne s’agit donc pas ici d’une explication systématique de la méditation. Pour cela, je vous renvoie aux ouvrages cités à la fin du texte.

La Vue

Il y a plusieurs façons d’aborder la pratique de la méditation. La manière la plus fréquente est de la considérer comme une technique. Une technique dont on attend du bien-être physique et mental et même l’Éveil ! Mais d’abord une technique. Tout comme on apprend à conduire une voiture et à utiliser un ordinateur, on apprend à méditer. On pourrait qualifier cette attitude de culturelle : n’appartenons-nous pas à une société où l’on passe beaucoup de temps à inventer et à maîtriser des nouvelles technologies? Pourquoi ne pas rajouter à notre panoplie de quoi assurer notre bien être intérieur?

Il semble qu’il y ait quelque chose d’inévitable dans cette approche, mais elle manque un peu de perspective sur ce qu’est le sens profond de la méditation. Pour employer l’expression traditionnelle, on pourrait dire qu’elle manque de vue. Ou de Vue. Les enseignements parlent de Vue, Méditation et Action. La Vue est la compréhension profonde de ce qu’est notre nature véritable, la Méditation consiste à faire l’expérience répétée de la Vue, et l’Action est le prolongement de la Méditation dans la vie quotidienne. On le voit : la Vue précède et donne son sens à la Méditation. Sans elle, il n’y a pas de méditation au sens plein du terme; mais juste une technique, dont le sens et la portée sont restreints.

Sogyal Rinpoché dit : « La méditation a pour but d’éveiller en nous la nature semblable au ciel de notre esprit, de nous « introduire » à ce que nous sommes réellement : notre conscience pure et immuable sous-jacente à la totalité de la vie et de la mort». Cette citation nous offre un aperçu de ce qu’est l’essence de l’esprit, nous montre qu’il ne se réduit pas aux pensées et aux émotions qui n’en sont que l’apparence incertaine et vacillante. On peut dire de cette Vue qu’elle est révolutionnaire tant elle propose un regard neuf et libérateur sur ce que nous sommes. La méditation est le moyen de découvrir par soi-même et en soi même la réalité de cette Vue. Nous n’avons pas à créer quelque chose de nouveau, mais à découvrir ce qui est déjà là. Il s’agit plus de perdre que de gagner : rien n’est à gagner, car cette nature vaste et lumineuse est nôtre de façon inconditionnelle. Il n’y a à perdre que les illusions qui nous empêchent de la reconnaître. La pratique de la méditation est donc plus de l’ordre du lâcher prise que de l’effort. À ce titre, trop vouloir méditer peut être un obstacle à la méditation. Trop attendre une expérience qui corresponde à nos attentes de la méditation est un obstacle. La méditation nous conduit à une réconciliation avec notre être véritable, ce processus ne peut s’accomplir sur la base du volontarisme.

Sogyal Rinpoche @Terton Sogyal Trust




L’attention ou la tension?

Dans nos efforts pour méditer, nous nous concentrons (sur le souffle, sur une image, etc.) parfois avec trop d’intensité (et alors la tension s’invite dans notre pratique), et d’autres fois pas assez (et alors ce sont toutes sortes de distractions qui viennent nous rendre visite). L’erreur vient de réduire la méditation à une forme de concentration. Les enseignements présentent les choses un peu différemment; il s’agit d’équilibrer entre l’attention et la détente : « L’un des plus grands maîtres féminins du Tibet, Ma Chik Lap Drön, disait : « Vigilance, vigilance ; mais également détente, détente. Ceci est un point crucial pour la Vue en méditation.» Éveillez votre vigilance, mais soyez en même temps détendu, tellement détendu qu’en fait, vous ne vous attachez même pas à l’idée de détente.» L’attention est l’antidote à la distraction. L’attention nous relie à notre réalité, mais elle n’est pas un objectif en soi. C’est l’erreur que l’on peut faire parfois et cette concentration, trop forte, produit alors les effets évoqués plus haut. L’attention permet à la détente de se développer. C’est parce que notre esprit cesse d’être comme le singe agité sautant de branches mentales en lianes émotionnelles qu’une certaine détente peut se produire. On cesse de se projeter vers toutes sortes d’objets extérieurs et intérieurs, on est davantage connecté à soi-même, l’esprit devient plus transparent et détendu car alors les pensées et les émotions apparaissent comme ce qu’elles sont : des pensées et des émotions et non la réalité. Cette détente a une qualité de présence à tout ce qui s’élève. Ce n’est pas une détente abrutie, un plongeon dans le flou. On le voit, l’attention et la détente se soutiennent mutuellement. Si l’on rajoute la vigilance, qui vérifie que l’attention reste focalisée sur son objet, nous avons les trois éléments de base de la méditation.

Avec ou sans pensées?

Lorsqu’on commence à méditer, on pourrait s’attendre à avoir de moins en moins de pensées et à ce que notre esprit devienne de plus en plus calme. Fixé sur cet objectif, nous pratiquons en ayant en tête l’élimination impitoyable des pensées et l’établissement d’un calme intérieur que plus aucun mouvement mental ne pourra venir défier. Cette attitude n’a rien d’étonnant, car nous avons peut-être été conduit à la méditation par un sentiment de lassitude provoqué par la propension de nos pensées à proliférer sans cesse, nous agitant sans nous laisser le moindre repos. Mais les enseignements disent qu’un tel projet n’est pas raisonnable. Et l’expérience montre que lorsque nous méditons, nous avons souvent beaucoup de pensées. Est-ce que cela signifie qu’on ne médite pas de façon correcte ? « Rien n’est moins vrai. Ainsi que le dit un proverbe tibétain : « C’est beaucoup demander que de vouloir de la viande sans os et du thé sans feuilles. » Tant que vous aurez un esprit, des pensées et des émotions s’élèveront.» Les pensées et les émotions sont l’expression naturelle de l’esprit et la méditation ne consiste pas à réprimer ce mouvement. On compare souvent cela à la relation entre les vagues et l’océan : les vagues (les pensées et les émotions) s’élèvent de l’océan (l’esprit) et y retournent. Ce flux est naturel. En méditation, on ne cherche pas à réprimer ce qui s’élève de l’esprit, mais on ne le suit pas non plus. On laisse s’élever ce qui s’élève sans saisie d’aucune sorte. C’est ainsi que l’on apprend à entrer en amitié avec son propre esprit, cessant ainsi de voir dans les pensées et les émotions une menace pour notre calme.

Un cercle vertueux

Notre méditation n’est pas séparée de tout ce qui l’entoure. Si nous orientons notre vie sans cesse dans le sens du stress, de la vitesse et de l’agressivité, il sera difficile, lorsque l’on s’assoit sur le coussin, d’accomplir la méditation. La tension de notre vie viendra se perpétuer dans notre pratique. Si après avoir pratiqué on revient juste « à la normale » alors cette méditation n’aura été rien d’autre qu’une détente temporaire avant de repartir pour un nouveau tour de manège frénétique. C’est pourquoi les maîtres insistent sur la nécessité de l’intégration : « Je n’insisterai jamais assez sur ce point : la raison d’être, l’intérêt et le but tout entier de la pratique de la méditation sont d’intégrer celle-ci dans l’action. La violence et les tensions, les défis et les distractions de la vie moderne rendent cette intégration d’autant plus urgente et nécessaire. ». À ce sujet, il peut être utile de rappeler un élément traditionnel des enseignements qui décrit le chemin comme la pratique du triple entraînement : discipline, méditation et sagesse. Cet ordre, nous allons le voir, est très significatif.

La plupart des maîtres venus enseigner en Occident ont commencé en insistant surtout sur la méditation. Les raisons pour cela sont évidentes : pour nous qui sommes tant épris de liberté, la discipline n’apparaît pas d’emblée comme une voie souhaitable ni même praticable. Par ailleurs, nos esprits surchargés de concepts peuvent faire de la sagesse une coquille vide : juste une nouvelle série de notions fascinantes avec lesquelles jouer, sans pour autant être transformés le moins du monde par cette manipulation d’idées nouvelles et exotiques. Qui plus est, notre histoire nous a rendus sceptiques envers tous nouveaux dogmes, idées, croyances, et même sagesses. C’est pourquoi pour nous la méditation est la porte d’entrée des enseignements : elle nous offre de découvrir, par une expérience personnelle, la vérité qui se tient en nos cœurs. Il ne s’agit pas de croire aveuglement mais de vérifier la validité des enseignements par le biais de notre expérience.

Ces aperçus peuvent nous conduire à une réévaluation de l’importance et de la valeur de notre vie. C’est là que la discipline joue son rôle. Elle consiste à faire ce qui est approprié. Selon Sogyal Rinpoché : « Cela équivaut, dans cet âge d’extrême complexité, à simplifier notre vie ». Simplifier notre vie, car se disperser en de multiples activités, puis s’asseoir pour méditer avant de repartir pour d’autres divertissements ne permets pas vraiment au processus de la méditation de s’accomplir. La simplification de notre vie quotidienne, par contre, est un facteur de stabilité pour notre méditation. Comment espérer déposer l’esprit, si on ne cesse de l’agiter par ailleurs? La discipline permet donc l’épanouissement de la méditation qui, à son tour, permet à la sagesse de grandir. En dénouant les tensions et les aveuglements de l’esprit la méditation le libère et il peut s’exprimer sous forme de sagesse. C’est là que prend place l’étude de la Vue (voir plus haut). Grâce à la méditation, elle se déploie avec une profondeur et une clarté accrues. Et le cycle continue : la sagesse nourrit et inspire la discipline, etc.. Le pratiquant connaissant mieux son propre esprit est plus à même d’appliquer la discipline de façon habile. On le voit, il y a là un cercle vertueux, une dynamique libératrice qui est au cœur du chemin spirituel.

Pour qui pratique-t’on?

Une difficulté qui peut aussi survenir en méditation, est le fait d’être très centré sur notre propre expérience. Il y a toujours en nous un juge de tout ce qui se produit (en méditation ou ailleurs du reste) qui évalue tout en prenant pour référence centrale l’idée du moi : est-ce que cela me plaît ou pas? Est-ce que je gagne quelque chose ou pas à faire cela? Es-ce que je médite bien? Est-ce que ma méditation est bonne ou pas? Etc. En effet, il semble évident que c’est pour nous que nous méditons. Pour qui d’autre? C’est nous qui en tirons des bienfaits et personne d’autre. Si cette attitude semble a priori tout à fait logique, il n’en reste pas moins qu’elle bloque le processus de la méditation. Ce que vise la méditation c’est notre être véritable et profond au-delà de toutes les fixations égotiques, le ciel au-delà des nuages. Si nous méditons en ayant le moi comme point de référence constant, comment espérer réaliser ce qui le déborde infiniment?

D’où l’importance de la motivation qui préside à notre pratique de la méditation. Les enseignements nous encouragent à examiner notre motivation avant de commencer une session de pratique. Examiner notre motivation, c’est-à-dire être lucide quant à l’état de notre esprit à cet instant donné : il peut être confus, ouvert, égoïste, clair, un peu inspiré, agité, etc. Peu importe, il n’y a pas de jugement à porter ici : il s’agit juste d’être conscient de ce qui se passe en nous. Puis on élargit cette motivation à tous les êtres, en leur souhaitant le bonheur ultime de l’éveil, ce que l’on peut exprimer par cette célèbre prière :

« Par le pouvoir et la vérité de cette pratique,

Puissent tous les êtres jouir du bonheur et des causes du bonheur;

Puissent-ils être libres de la souffrance et des causes de la souffrance ;

Puissent-ils ne jamais être séparés du grand bonheur dénué de souffrance ;

Puissent-ils demeurer dans la grande équanimité,

qui est libre d’attachement et d’aversion.»

En s’exerçant à rendre notre motivation de plus en plus vaste, on change d’emblée toute la perspective : on n’est plus en train de pratiquer pour son seul bien être à court terme, mais on mêle son action à celle des Bouddhas et des Bodhisattvas qui oeuvrent sans cesse pour le bien des êtres. Le point central de référence n’est plus soi seul, mais l’infinité des êtres animés, et la visée n’est plus un simple bien-être temporaire mais l’éveil total. Cette façon de commencer la pratique est une manière très puissante de se libérer de nos habitudes acquises et de se relier à l’immensité innée de notre nature véritable. Cette nature, tous les êtres animés l’ont tout comme nous et pourtant, ne la reconnaissant pas ils souffrent mille misères. Comment imaginer les abandonner? Comment concevoir de réaliser la nature de l’esprit qui est l’héritage commun de tous les êtres en ne pensant qu’à soi seul?

De la même façon, lorsque nous terminons la pratique nous l’offrons pour le bien ultime des êtres. Lorsque l’on pratique on maintient la Vue (voir plus haut). On parle ainsi des trois nobles principes : la motivation, la Vue et la dédicace.Le grand maître tibétain Nyoshul Khenpo en a dit : « Pour atteindre l’éveil complet, plus que cela n’est pas nécessaire, mais moins serait insuffisant.» Ces trois principes font toute la différence entre une méditation qui apporte une détente éphémère, et une véritable pratique spirituelle.

Être plus que faire

En conclusion, on pourrait dire que la méditation est plus à propos d’être que de faire. Être avec soi-même, être ce que l’on est, être ce qui est à cet instant donné. Simplement être. Il n’y a pas alors à faire quelque chose, pas même à entreprendre une action qui serait la méditation. C’est à la fois très naturel et assez inhabituel, tant nous avons pris l’habitude de nous impliquer dans le faire, dans l’action, dans l’extérieur et avons perdu de vue le cœur de notre être.

Arrivé à ce point, il me faut rappeler que ce texte ne prétend pas présenter de façon complète la méditation. Pour cela vous pouvez vous reporter aux ouvrages suivants :

- Sogyal Rinpoché, Le Livre tibétain de la Vie et de la Mort, Le Livre de Poche.

Je l’ai abondamment cité dans ce texte. Il présente un panorama très complet, non seulement de la méditation, mais aussi de tout le chemin spirituel.

- Mingyur Rinpoché, Le bonheur de la méditation, Le Livre de Poche.

Il présente la méditation en la mettant en relation avec les découvertes scientifiques récentes sur le fonctionnement du cerveau.

- Chögyam Trungpa, Pratique de la voie tibétaine, Seuil.

L’auteur, un des premiers lamas à avoir enseigné en Occident, présente la voie sans concession, en démontant nombre d’illusions que les occidentaux nourrissent souvent à propos du chemin spirituel.


Sudhana

mercredi 17 février 2010

Bouddhisme et environnement, ancienne sagesse pour une question contemporaine

Comment le Bouddhisme envisage t-il le rapport entre l’homme et son environnement ? Cette tradition philosophique, née il y a 2500 ans aux pieds de l’Himalaya, permet-elle d’apporter un éclairage nouveau sur une question si contemporaine ?

En fait, les Bouddhistes abordent la question de l’environnement à plusieurs niveaux. Tout d’abord, d’un point de vue philosophique, avec les concepts d’interdépendance et de responsabilité universelle. Puis, selon l’angle spirituel avec des rituels spécifiques qui ont souvent emprunté au vieux fond chamanique de l’Asie. Enfin, pour les responsables de la communauté de pratiquants de Lérab Ling, d’un point de vue tout à fait concret, c’est-à-dire la gestion de son énergie, des achats de nourriture et de ses déchets.

Reportage à Lérab Ling, un centre bouddhiste tibétain situé à une heure environ au nord de Montpellier.

A écouter ou télécharger sur le site de Radio France Internationale : Bouddhisme et environnement.

mercredi 20 janvier 2010

Conseil du cœur dans une coquille de noix

Jamyang Khyentsé Chökyi Lodrö


Hommage à Guru Rinpoché, le Seigneur d' Orgyen, incomparable objet de refuge !


Ce support exceptionnel, cette vie libre et pleine de dons dans un corps humain, est très difficile à obtenir.
Puisque nous l'avons obtenue cette fois-ci, efforçons-nous d'en réaliser pleinement le potentiel
Sans le laisser gaspiller dans l’indécision.
La racine de tous les phénomènes est votre propre esprit.
Si vous ne l'examinez pas, il se complaît dans les expériences et se montre expert dans les jeux de l'illusion.
Mais si vous l’observez directement et précisément, il est libre de tout fondement et de toute origine,
En essence, il est vide de ce qui surgit, demeure et s’en va.

Tous les phénomènes du samsara et du nirvana ne sont rien d’autre
Que les manifestations dynamiques pures ou impures de votre propre esprit –
En réalité, rien, ni samsara ni nirvana, n'existe.
Pur depuis le commencement, libre et vide,
Sans tomber pour autant dans le concept d'une vacuité « vide »,
Il est au contraire spontanément accompli dans sa nature lumineuse.
Telle est la base d’émergence de la compassion de la Présence éveillée.

La Présence est au delà de toute désignation et de toute verbalisation ;
La variété des apparences du samasra et du nirvava s'élève comme son dynamisme.
La manifestation et celui qui manifeste ne sont pas distincts –
Dans cet état non duel, demeurez sans altération.

Le corps : libre de marcher, de s'asseoir et de se mouvoir. Demeurez
La parole : suivant le flot naturel de la respiration. Demeurez
L’esprit : sans poursuivre les pensées d’attachement . Demeurez
Dans un état d'esprit totalement libre, ouvert – spacieux –
paisiblement contenté – détendu. Demeurez























Gangtok fin 1950, avec la permission du Terton Sogyal Trust

Cette Présence du Corps de réalité non né,
N’est pas créée par les causes et les circonstances mais surgit naturellement.
Vive, dans toute sa fraîcheur et sa nudité,
Elle n’est altérée ni par les pensées d'un sujet préhenseur et d’objets appréhendés
Ni par une compréhension née de l’analyse mentale.

Dans la stabilité méditative de son cours naturel – Demeurez.
« Demeurer » n'est qu'une expression vide –
En réalité, elle est totalement libre de ce qui demeure et du fait même de demeurer.
Cette Présence-vacuité est le visage même du Corps de réalité :
Demeurez continuellement dans cette reconnaissance, sans distraction.

Il n'y a pas de fin aux activités et aux illusions du samsara :
Plus vous vous activez, plus elles augmentent.
Les préoccupations causées par les ennemis et les amis ne cessent de croître,
Engendrant progressivement les causes de mauvaises renaissances.
Au lieu de cela, tournez donc votre esprit vers le Dharma !
Si vous intégrez ainsi vos trois portes au Dharma,
Vous entrerez dans la voie qui mène à la libération et à l'Eveil.
Vous n'aurez pas d’amers regrets au moment de la mort,
Et dans cette vie et les suivantes, vous irez sans aucun doute de bonheur en bonheur.

Kalimpong, vers 1950, avec Sogyal Rinpoche, avec la permission du Terton Sogyal Trust

Celui qui vous a témoigné une telle bonté
Votre maître, inséparable d'Orgyen Chenpo,
Visualisez-le au sommet de votre tête et dans votre cœur,
Et cultivez à son égard une dévotion fervente et sans détour.
Quoi qu'il s'élève, circonstances bonnes ou mauvaises, bonheur ou tristesse,
Remettez-vous en au maître, votre seul père, priez-le
Et unissez votre esprit au sien inséparablement.

Au moment de la mort, abandonnez toute pensée d'attachement ou d'aversion,
Visualisez Orgyen Guru, votre maître, au-dessus de votre tête,
Et votre conscience prenant la forme d’une petite sphère marquée d’un HRIH
Dissolvez-la dans le cœur du seigneur Orgyen Chenpo.
Si vous méditez et pratiquez de cette façon, constamment,
Au moment de la mort, la clarification sera facile.
Récitez donc la prière d’aspiration de Zandok Palri1.

En conclusion, la pratique du Dharma consiste à :
Couper l'attachement au samasara,
Cultiver bienveillance et compassion à l’égard de tous les êtres des six destinées,
Et dompter complètement cet esprit qui est vôtre.
Je vous en prie, prenez ceci à cœur et mettez-le en pratique continuellement – faites-le, je vous en implore !

Colophon
Bien que je n'aie point de pratique en moi-même,
Ce bref conseil – les paroles des Sublimes Êtres du passé
Fut écrit par celui qui n'a pas de Dharma, le parasite têtu
Celui qu'on appelle Chökyi Lodrö
A l'intention de Pelu, pratiquante bienheureuse,
Uniquement pour ne pas ignorer sa requête.

Sarva mangalam

Note
1- Prière pour renaître dans la vie suivante à Zandok Palri (la Montagne couleur–de–cuivre), le champ pur de Guru Rinpoché.



Cette nouvelle traduction de Philippe Cornu, revisitée en consultant le texte tibétain enfin disponible, s’inspire de la traduction initiale de Sogyal Rinpoché effectuée lors de la première retraite d'été sous sa direction, à St Cézaire, près de Grasse, en août 1981. Quand elle s’en éloigne, c’est simplement pour mieux préciser la terminologie et resserrer la traduction sur le tibétain d’origine.